Géothermie profonde : où en est la France ?

Depuis 2010, la France a doublé sa puissance installée en géothermie profonde. Aujourd’hui, elle est le deuxième producteur de chaleur par géothermie profonde d’Europe. Pour tenir son ambition en matière d’énergie renouvelable, elle souhaite mettre le turbo sur cette énergie à la fois locale, performante et peu carbonée. Plusieurs projets d’exploration sont en cours, notamment dans l’ouest francilien et le sud-est du pays.

L’ESSENTIEL

  • 78 installations de géothermie profondes existent en France
  • La majorité produit de la chaleur (total : 2,1 TWh)
  • Deux, dont une à Bouillante en Guadeloupe, produisent de l’électricité (total : 0,1 TWh)
  • La France est en 2e position des plus grands producteurs de chaleur par géothermie profonde d’Europe, derrière l’Italie. 

Ils ont sillonné les routes et les villes du Val-d’Oise, des Hauts de Seine, de l’Essonne et des Yvelines durant 40 jours aux mois de mars et d’avril 2024. 

« Ils » ? Les camions vibreurs du projet «Géoscan Île-de-France ». Ceux-ci étaient chargés de scanner les sous-sols de près de 100 communes du sud et de l’ouest de la région afin d’élaborer une cartographie — véritable échographie des sous-sols — visant à évaluer leur potentiel géothermique. 

Objectif de la manœuvre : aider les collectivités à valoriser les énergies renouvelables en mettant en place des opérations de géothermie profonde destinées à verdir leurs réseaux de chaleur ou à en créer de nouveaux.

La géothermie profonde, c’est quoi ?

C’est la valorisation de l’énergie renouvelable contenue dans des fluides géothermaux présents à entre 200 et 3000 mètres de profondeur et dont la température se situe généralement entre 30 et 90 °C. Elle est utilisée pour alimenter les réseaux de chaleur des villes et produire de l’électricité. 

L’énergie géothermale cumule les atouts. Elle est : 

  • renouvelable, 
  • peu carbonée, 
  • performante (1 kWh consommé dans le puits permet de produire 20 kWh de chaleur)
  • stable au niveau du prix,
  • locale (pas de transport),
  • discrète (impact sur les paysages très faible),
  • indépendante des conditions météorologiques,
  • à durée de vie longue (les centrales géothermiques construites dans les années 1980 fonctionnent encore à ce jour).

Coup d’accélérateur

Porté par l’Agence de la transition écologique (ADEME), la Direction Générale de l’Énergie et du Climat (DGEC) et le Service géologique national (BRGM), ce projet d’exploration du bassin sédimentaire parisien est une des traductions concrètes de la volonté de la France de mettre le turbo sur la géothermie. 

Le Programme Pluriannuel de l’Énergie (PPE) prévoit en effet de doubler l’utilisation de la ressource géothermale d’ici 2028. Celle-ci est en effet considérée aujourd’hui non seulement comme un levier fondamental pour lutter contre le réchauffement climatique et l’élévation du prix de l’énergie, mais également pour renforcer la souveraineté énergétique de la France.

Une autre campagne de ce type, appelée cette fois «Géoscan Arc», doit démarrer prochainement dans le sud-est de la France, autour de l’étang de Berre (synclinal de l’Arc). La zone couverte s’étale cette fois de Fos (à l’ouest) jusqu’à Aix en Provence (à l’est) en passant par Sausset les Pins (au sud) et Lançons de Provence (au nord). Une première réunion d’information a eu lieu le 22 mai dernier et les premières explorations dans les communes devraient débuter dans le courant de l’année. 

De nombreuses installations déjà en place

Soixante-dix-huit installations de géothermie profonde fonctionnent déjà en France métropolitaine, et celles-ci valorisent un total de 2TWH de chaleur. 

Cinquante-quatre d’entre elles se trouvent à l’est de l’Île-de-France (Seine Saint Denis, Val-de-Marne, Seine-et-Marne), ce territoire accueillant la plus grande concentration d’installations de géothermie profonde du monde. Elles permettent aujourd’hui de chauffer un million de personnes et d’éviter le rejet de plus de 400 000 tonnes de CO2 par an par rapport au système de chauffage au gaz.

Le quart sud-ouest de la France regroupe quant à lui environ un quart des 78 installations de géothermie françaises (voir carte ci-dessous). 

Au nord-est, dans le Bas-Rhin, la centrale de Rittershoffen inaugurée en 2016, alimente une amidonnerie (maïs) en exploitant une eau à 170 °C puisée à 2500 mètres. C’est la seule concession en France ayant pour finalité la production de chaleur pour une utilisation industrielle. Un projet est également en cours à Illkirch-Graffenstaden, au Sud de Strasbourg, dans le cadre d’un permis exclusif de recherche. En revanche, le projet situé à Vendenheim, qui avait vocation à coproduire de la chaleur et de l’électricité, est, lui, actuellement suspendu par arrêté préfectoral suite aux séismes qui se sont produits au nord de Strasbourg en 2019. 

Source : BRGM


Concernant la production d’électricité géothermique, seulement deux sites existent à l’heure actuelle. 

Dans le Bas-Rhin, le site de Soultz-sous-Forêts, mis en service en 2008, est constitué de trois forages situés à 5 000 mètres de profondeur. Il produit 1,5 MW d’électricité en exploitant la chaleur géothermale des roches. 

Enfin, dans les territoires d’outre-mer, la centrale électrique de Bouillante en Guadeloupe, située dans une zone volcanique et mise en service en 1986, permet, grâce à un forage d’environ 1000 mètres, de produire de la chaleur et de l’électricité en cogénération. C’est la première centrale en France à produire de l’électricité.

Un large potentiel à exploiter

De nombreuses zones en France métropolitaines pourraient faire l’objet d’une exploration comme celles de Géoscan, le sous-sol métropolitain présentant de nombreuses ressources géothermales sur aquifère profond inexploitées : Bassin aquitain, fossé rhénan, couloir rhodanien et bressan, Massif central…

Des zones potentiellement exploitables pour de la production d’électricité en zone volcanique (cogénération) ont été identifiées à la Martinique et à la Réunion, mais également dans le Massif central et le Languedoc-Roussillon. Certaines sont en cours d’investigation. 

En dehors des zones volcaniques et des roches sédimentaires, les fossés d’effondrement, comme ceux situés dans les vallées du Rhin et du Rhône et dans le Massif central (Limagne) pourraient constituer également des zones favorables à la géothermie profonde, avec des températures pouvant atteindre 110 °C au-delà de 2500 mètres de profondeur.

Affaire à suivre, donc…